Henri d’Agrain, Délégué général du Cigref, partage sa vision des enjeux numériques actuels et futurs, en mettant l’accent sur la souveraineté technologique, l’innovation responsable et la nécessité de collaborations renforcées entre acteurs publics et privés.
Vous êtes Délégué général du Cigref, pouvez-vous nous présenter votre association ? Henri d’Agrain : « Le Cigref rassemble plus de 150 grandes entreprises et administrations publiques françaises, toutes utilisatrices de solutions et services numériques. Depuis 54 ans, sa mission est d’accompagner ses membres dans leurs réflexions collectives sur les enjeux numériques, en renforçant leur capacité à intégrer et maîtriser ces technologies. Indépendant, le Cigref fonctionne uniquement grâce aux cotisations de ses adhérents et n’exerce aucune activité commerciale.
L’association s’articule autour de quatre grandes missions : d’abord, organiser les échanges et réflexions collectives entre ses membres, avec la production d’une vingtaine de rapports ou notes chaque année. Ensuite, mener des actions d’influence auprès des pouvoirs publics et du monde académique, tant au niveau national qu’européen. La troisième mission consiste à faciliter le dialogue entre les adhérents et leurs principaux fournisseurs, notamment pour résoudre les points irritants ! Enfin, le Cigref met en place divers dispositifs pour favoriser les rencontres et les échanges entre ses membres, afin de cultiver un véritable esprit communautaire. »
L’AG annuelle du Cigref s’est tenue en octobre 2024, pouvez-vous nous commenter la feuille de route 2025 de votre association ?
Henri d’Agrain : « Nous avons au préalable, lors de notre Assemblée générale ordinaire, procédé au renouvellement de notre instance de gouvernance avec l’élection de nouveaux membres au Conseil d’administration : Christine Bernard-Robinne (Danone), David Krieff (Groupe ADP) et Sandrine Racouchot (Abeille Assurances). Alice Guéhennec (Sodexo) a également été reconduite dans un nouveau mandat. Par ailleurs, Emmanuel Sardet, DSI adjoint et Chief Technical Officer du Groupe Crédit Agricole, a été désigné comme nouveau Président du Cigref, succédant à Jean-Claude Laroche, qui a exercé cette fonction pendant trois ans.
Pour 2025, la feuille de route du Cigref s’articule autour de quatre priorités majeures. Tout d’abord, nous souhaitons accompagner les représentants de nos adhérents dans leur rôle de leader technologique au service du business de leur entreprise. Il s’agit concrètement de faire remonter la fonction technologique au sein des directions générales. Ensuite, nous souhaitons défendre les intérêts de l’Europe face aux pratiques abusives de certaines grandes entreprises technologiques, en promouvant un cadre numérique éthique et responsable. Nous voulons également mettre l’accent sur la nécessité d’une certification européenne de sécurité cloud (EUCS) pour garantir la protection des données sensibles, rééquilibrer les forces entre les États-Unis et l’Europe et renforcer la confiance dans les infrastructures numériques. Enfin, nous appelons à une mobilisation collective des États et des entreprises pour relever les défis d’une transformation numérique rapide, en plaçant la confiance dans les technologies numériques et l’innovation de progrès au cœur de nos actions.
Notre ambition pour 2025 est claire : construire un numérique européen durable, responsable et de confiance, en renforçant les synergies entre les acteurs de l’écosystème pour répondre aux enjeux stratégiques et sociétaux de demain. »
Votre association a publié l’édition 2024 du « Rapport d’orientation stratégique », pouvez-vous nous commenter les ambitions affichées et les objectifs pour les atteindre ?
Henri d’Agrain : « L’édition 2024 s’inscrit dans la continuité des précédents rapports en proposant des analyses prospectives à l’horizon 2040. Ce rapport vise à accompagner les membres du Cigref dans l’élaboration de leurs stratégies numériques tout en définissant des « orientations stratégiques » pour construire des « futurs souhaitables » pour les organisations européennes et la société dans son ensemble.
Les ambitions affichées dans ce rapport s’articulent autour de cinq grandes priorités :
La transition environnementale : le numérique doit devenir un levier pour réduire son empreinte écologique et contribuer à la transition environnementale. Cela passe par des pratiques de recyclage avancées, une optimisation énergétique des infrastructures numériques, et le développement d’une régulation de la fabrication des équipements pour limiter leurs impacts environnementaux . L’objectif est de promouvoir un numérique durable.
La sécurité dans l’espace numérique : face à la montée des cyberattaques et des tensions géopolitiques, le rapport met en avant la nécessité d’une ambition politique forte et d’une collaboration renforcée entre acteurs publics et privés. L’objectif est de construire une société résiliente et adaptée aux défis numériques, en misant sur l’éducation, la préparation opérationnelle, et un cadre légal robuste pour sécuriser efficacement l’espace numérique.
La cohésion sociale : le numérique doit être un facteur d’inclusion et de confiance. Pour cela, il est essentiel de réduire la fracture numérique, de lutter contre la désinformation, et de garantir la protection des données personnelles. À l’horizon 2040, le rapport ambitionne de rendre le numérique accessible à tous, notamment aux populations vulnérables, et de transformer les réseaux sociaux en espaces de dialogue constructif.
L’autonomie stratégique européenne : l’Europe doit réduire sa dépendance technologique vis-à-vis des grandes puissances numériques. Le rapport propose de renforcer les capacités européennes en matière de production de semi-conducteurs, d’attractivité des talents, et de résilience des infrastructures. Des initiatives comme Gaia-X et le Critical Raw Materials Act sont mises en avant pour promouvoir un marché unique de la donnée et garantir une souveraineté numérique européenne.
La qualité de vie au travail : le numérique doit contribuer à améliorer les conditions de travail et le bien-être des collaborateurs. Cela inclut le développement d’outils favorisant l’autonomie et la collaboration, l’automatisation des tâches répétitives pour réduire les risques psychosociaux, et une meilleure gestion du temps pour équilibrer vie professionnelle et vie privée. L’objectif est de donner plus de sens au travail tout en répondant aux aspirations des salariés. »